Red card in case of dormant cash

Allnews – September 2025
Jérôme Bissardon

La Cour d’appel de Paris souligne le rôle central de l’appréciation d’une activité éligible au dispositif «Dutreil» par référence au critère de l’analyse bilantielle. Une position dans un cadre français qui aura, à notre sens, des répercussions dans les situations transfrontières franco-suisses.

Contexte et procédure

L’affaire met en cause l’exonération partielle d’ISF (dispositif désormais abrogé) portant sur les titres d’une société exerçant une activité dans l’audiovisuel et disposant d’une trésorerie abondante. Le contribuable contestait le refus de cet avantage fiscal par l’administration. Le tribunal judiciaire de Paris l’avait débouté, puis la Cour d’appel de Paris avait confirmé le jugement dans toutes ses dispositions. Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation a censuré l’arrêt de la Cour d’appel de Paris en retenant que la Cour n’avait pas donné de base légale à son arrêt et lui reprochant de ne pas avoir examiné «l’ensemble des indices dont se prévalait le contribuable pour démontrer le caractère principalement commercial de la société» (Com., 13 mars 2024, n° 22-15.300). L’affaire est alors de nouveau renvoyée devant la Cour d’appel de Paris, autrement composée, laquelle confirme une dernière fois le jugement dans toutes ses dispositions (CA Paris, 13 janvier 2025, pôle 5, ch. 10, n° 22/07624).

Rappel du dispositif «Dutreil»

Bien que rendu en matière de dispositif «Dutreil-ISF», cet arrêt est tout à fait transposable en matière de dispositif «Dutreil-transmission». Rappelons, s’agissant de ce second dispositif, qu’il représente un attrait indéniable dans la mesure où il permet de réduire jusqu’à 75% (parfois même au-delà) la charge fiscale inhérente à la transmission d’une entreprise par voie de succession ou de donation. Prévu à l’article 787 B du code général des impôts français (CGI), il est applicable sous réserve d’un certain nombre de conditions, notamment celle tenant à l’exercice d’une activité éligible. La société en cause doit alors exercer à titre principal une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, ce qui n’exclut pas l’exercice d’une activité civile et patrimoniale dès lors qu’elle n’est pas prépondérante. Il a été jugé à plusieurs reprises que la prépondérance doit s’apprécier au regard «d’un faisceau d’indices déterminés d’après la nature de l’activité et les conditions de son exercice».

Analyse de l’arrêt du 13 janvier 2025

La Cour d’appel observe qu’en l’espèce, les revenus de la société proviennent très majoritairement de l’activité commerciale. L’examen du patrimoine de la société révèle toutefois que plus de 90% de l’actif brut est constitué de trésorerie et de valeurs mobilières de placement. La Cour note que les investissements réalisés «ne constituent pas des actifs nécessaires à l’exercice» et que les disponibilités «n’étaient donc pas destinées à couvrir, ne serait-ce qu’à l’avenir, des besoins de trésorerie». Elle estime donc que ces actifs découlent certes de l’activité professionnelle, mais qu’ils constituent une réelle activité de gestion de patrimoine, distincte et autonome. C’est donc en considérant l’analyse bilancielle comme indice déterminant que les juges confirment l’exclusion de l’exonération.

Mise en perspective franco-suisse: Rappelons qu’en dépit de la localisation en Suisse d’une entreprise et de ses actionnaires, des droits de succession et de donation sont susceptibles d’être dus en France. Tel est le cas dans les trois hypothèses suivantes :

  • Un chef d’entreprise réside en Suisse et transmet une entreprise française,
  • Un chef d’entreprise réside en Suisse et transmet une entreprise suisse, alors que l’un au moins ou plusieurs de ses héritiers, légataires ou donataires résident en France,
  • Un chef d’entreprise réside en France et transmet une entreprise suisse.

L’arrêt rendu rappelle que pour les entrepreneurs, y compris dans un cadre franco-suisse, une logique de capitalisation de la trésorerie, au-delà des besoins de l’activité opérationnelle ou de la réalisation d’investissements à court ou moyen terme dans l’outil de travail, peut disqualifier la société du bénéfice de l’exonération. Cela incite à planifier toute opération de transmission «en amont» pour s’assurer du respect des conditions, notamment celle qui tient à l’exercice d’une activité éligible à titre principal. Retenons que la trésorerie dite «excédentaire» et l’ensemble des autres actifs patrimoniaux de l’entreprise non affectés à l’activité professionnelle doivent, durant les engagements de conservation (six ans au total), être globalement inférieurs à la valeur vénale des actifs professionnels. L’indice de la valeur bilantielle est donc déterminant dans ce faisceau d’indices susceptible de qualifier ou de disqualifier l’entreprise pour le bénéfice de l’exonération partielle.

Jérôme Bissardon
Partner, Paris

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