Environ 15’000 faillites sont ouvertes en Suisse chaque année. Plus de 40% des faillites sont suspendues faute d’actifs, ce qui signifie que la faillite n’est même pas traitée, faute d’actifs à réaliser.
À suivre le Parlement, il existe régulièrement des cas où des personnes profitent de la faillite d’une société pour se débarrasser de dettes existantes et pour ne pas devoir payer des salaires dus; elles rachètent à bas prix les outils de production ou les stocks qui faisaient partie de la masse de la faillite. Elles se procurent ainsi un avantage concurrentiel et font supporter à la caisse de chômage les salaires dus jusqu’à la faillite.
Le législateur a donc décidé de modifier certaines règles relatives à la faillite pour essayer de limiter les abus. Ces modifications entreront en vigueur le 1er janvier 2025. C’est l’occasion de présenter ici quelques changements notables.
La modification la plus importante consiste en une abrogation. Pour l’instant, l’article 43 al.1 et 1bis LP prévoit que la poursuite par voie de faillite est exclue pour le recouvrement d’impôts, contributions, émoluments, droits, amendes ou autres prestations de droit public dues à une caisse publique ou à un fonctionnaire ainsi que le recouvrement de primes de l’assurance-accidents obligatoire. Ces deux alinéas seront purement et simplement supprimés. Par conséquent, les sociétés qui ne paieraient pas leurs impôts ou leurs cotisations sociales pourront désormais être mises en faillite. Il s’agit d’éviter qu’une société ne néglige systématiquement les créances des organismes sociaux et étatiques.
Lorsqu’une faillite est suspendue faute d’actifs, elle est clôturée si un créancier ne requiert pas la liquidation en payant l’avance de frais exigée par l’Office pour les frais de liquidation. Actuellement, cette décision de suspension est uniquement publiée (art. 230 al. 2 LP). À l’avenir, les créanciers connus (principalement ceux qui ont fait notifier un commandement de payer) seront avisés par lettre de l’Office des faillites. Cela est censé permettre auxdits créanciers de mieux défendre leurs droits; nous ne sommes pas convaincus que cette mesure aura un véritable effet. Lorsque des actifs d’une société en faillite ont «mystérieusement» disparu, des mesures plus incisives (éventuellement ordonnées par un procureur) sont généralement nécessaires.
Ensuite, un transfert d’actions d’une SA ou de parts d’une Sàrl sera considéré nul si la société n’a plus d’activité commerciale ni d’actifs réalisables et si elle est surendettée. Cette modification du Code des obligations formalise une jurisprudence déjà assez développée sur la liquidation de fait; elle vise à empêcher le transfert d’un «manteau d’actions». Le législateur ne veut donc pas de la réutilisation de d’une société existante pour une finalité nouvelle. Attention: celui qui acquiert un manteau d’actions s’expose donc à ce que son droit de propriété sur les actions soit nié et que le prix payé au vendeur du manteau d’actions soit ainsi de l’argent perdu.
Un dernier point mérite attention: la renonciation au contrôle restreint ou «opting-out». Depuis 2008, les petites entreprises peuvent renoncer à toute révision lorsqu’elles comptent moins de dix employés et que tous les actionnaires consentent (et qu’elles ne réalisent pas les conditions du contrôle ordinaire). Actuellement, lorsqu’une société effectue un opting-out et qu’elle le fait inscrire au Registre du commerce, cet opting-out peut avoir un effet rétroactif. Par exemple: un opting-out décidé lors d’une assemblée générale tenue le 24 mars 2024 fait cesser toute révision, y compris à l’égard des comptes 2023 s’ils n’ont pas encore été approuvés. A l’avenir, ce ne sera plus possible. L’opting-out ne pourra être décidé que pour l’avenir, pour un exercice social non encore entamé. Ainsi, un opting-out notifié au Registre du commerce le 1er janvier 2025 ne prendra effet que pour l’exercice social suivant, c’est-à-dire dès le 1er janvier 2026. L’exercice 2025 demeurera soumis à révision.